Sully, le grand ministre du roi Henri IV, est resté dans la mémoire collective pour cette  phrase : « le labourage et le pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée et  les vraies mines et trésors du Pérou. » Autrement dit, en France nous n’avons pas d’or, mais  des paysans.  

Hélas, Sully reconnaitrait-il notre agriculture aujourd’hui ? La France ne cesse de perdre des  parts de marché : deuxième exportatrice mondiale il y a vingt ans, elle se situe désormais au  sixième rang. Elle importe aujourd’hui environ 60 milliards d’euros de denrées alimentaires  soit 2,2 fois plus qu’en 2000. Près des trois quarts des fruits que nous consommons viennent  

de l’étranger, de même que la moitié des poulets ou des ovins qui terminent dans nos  assiettes… Des questions impensables il y a quelques années voient donc le jour  aujourd’hui : Les Français vont-ils pouvoir se nourrir à leur goût et à leur faim dans les  années qui viennent ? Que reste-t-il de notre souveraineté alimentaire ?  

Ces interrogations ne sont ni rhétoriques, ni théoriques. Comment nourrir les Français avec  des aliments de qualité alors que, par exemple, l’été dernier, caniculaire, a entraîné une  baisse de 50% de la production des haricots verts ? Que le prix du gaz naturel a augmenté de  191% et celui de l’électricité de 153 % rien qu’entre 2021 et 2022 ? Que de 30 000 à 40 000  emplois demeurent non pourvus dans le secteur et que la moitié des exploitants vont partir  à la retraite d’ici à 2030 ? Que la surface dédiée à l’agriculture en France a diminué de 17 %  depuis 1950, soit 60 000 km², l’équivalent de la région Grand-Est ? Manque d’eau, d’énergie,  de bras, de terres d’un côté et surcroît de normes, de tracasseries administratives, de taxes  et d’impôts de l’autre… L’équation de la production devient intenable et notre souveraineté  alimentaire s’étiole dans des proportions inédites.  

Tandis que le Salon de l’Agriculture vient de s’ouvrir, ces sujets sont plus que jamais  d’actualité. 

Ne nous méprenons pas pour autant. La reconquête de la souveraineté alimentaire de la  France ne doit pas s’envisager comme un repli sur soi, une autarcie ou une indépendance  totale.  

Construire le monde de demain nécessite de prendre en compte aujourd’hui des enjeux  globaux : économiques, environnementaux, sociaux et sociétaux. Des choix stratégiques  s’imposent pour résoudre une équation complexe : comment concilier compétitivité et  transition ?  

Pour cela, il faut produire plus, produire mieux, produire durable.

Il est impératif de produire plus pour reconquérir les marchés que nous avons perdus sur  certaines denrées agricoles et agroalimentaires, dès lors que celles-ci pourraient être  produites sur notre territoire au lieu d’être importées. Accentuer notre rythme de  production doit également se faire en tenant compte des impératifs environnementaux qui  nous préoccupent tous. Il s’agit de produire mieux. La décarbonation des processus de  production, de transformation et des flux logistiques, la réduction de l’utilisation des intrants  ou encore le recours à des alternatives au plastique sont autant de défis à relever pour le  monde agricole et agroalimentaire. Enfin, il faut produire durable pour pérenniser l’activité sur nos territoires, maintenir les emplois et sécuriser le revenu des agriculteurs.  

Les coopératives agricoles se révèlent de puissants piliers des filières agroalimentaires en  France. En effet, elles font le lien, d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire, entre les  exploitations et les consommateurs. Elles œuvrent à préserver, développer et diversifier une  agriculture et une alimentation françaises, traçables, de qualité et accessibles à tous,  répondant à toutes les attentes et modes de consommation. Les coopératives agricoles sont  donc bien à ce titre l’un des principaux acteurs et l’une des réponses au défi de la  souveraineté alimentaire.  

Elles l’ont montré pendant la crise de la Covid, par leur capacité à réagir rapidement afin  d’orienter la production dans les exploitations pour s’adapter aux demandes des différents  marchés et des consommateurs, et poursuivront demain pour répondre aux défis qui nous  attendent.  

La souveraineté alimentaire, c’est une dynamique forcément globale et collective. C’est un  choix de société qui ne pourra se réaliser qu’à partir de nos territoires et avec l’ensemble des  acteurs de la chaîne alimentaire, portés par un projet politique fort et ambitieux.  Alors, à quand la mobilisation générale ?

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