De la jeune pousse à la forêt cathédrale, l’accompagnement de la vie d’un chêne se compte sur plusieurs générations de forestiers… avec la futaie régulière ! Depuis juin 2022, cette technique sylvicole dédiée aux bois de qualité, consistant à faire pousser des arbres d’âges sensiblement identiques sur une période de 100 à 200 ans, est inscrite à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Cette vidéo vous explique pourquoi !
Depuis le 8 juin 2022, la futaie régulière de chêne est inscrite à l’inventaire national du Patrimoine Culturel Immatériel. Cette démarche, pilotée par le ministère de la Culture, est un soutien pour l’avenir d’une activité. Fruit d’une tradition et d’une transmission, la futaie régulière de chêne est une activité vivante, qui s’est transformée au fil des siècles et continuera d’évoluer.
Cette reconnaissance s’appuie sur la mobilisation d’une large communauté d’acteurs : forestières et forestiers de l’Office (en interne, plus de 160 personnes ont contribué à la reconnaissance de cette candidature), acteurs de la filière forêt-bois… Dans le monde de la culture aussi, deux artistes de renommée mondiale, l’actrice Juliette Binoche et le plasticien Fabrice Hyber, ont apporté leur soutien, preuve de leur engagement et de leur attachement à la forêt, à sa gestion et à sa préservation. Que toutes et tous soient ici chaleureusement remerciés.
Une aventure humaine
Longilignes et majestueux, les grands chênes français laissés en héritage par les générations antérieures de forestiers sont issus d’une tradition séculaire et minutieuse : la futaie régulière. Celle-ci regroupe une communauté de personnes et d’activités liées les unes aux autres :propriétaires de forêts (État, collectivités, acteurs privés), gestionnaires forestiers (forêts publiques et privées), scientifiques, naturalistes, formateurs et enseignants forestiers, association (environnement et usagers), scieurs, mérandiers, charpentiers, tonneliers, producteurs de vins et spiritueux, vignerons et architectes du patrimoine. Tous sont unis pour pérenniser cette culture forestière à l’origine de la beauté des forêts que nous connaissons aujourd’hui. Des forêts source de biodiversité, de production d’un bois de qualité exceptionnelle, et d’accueil du
public.
« Nous sommes heureux et fiers que les savoirs et savoir-faire de la futaie régulière de chêne soient désormais inscrits à l’inventaire national du Patrimoine Culturel Immatériel de la France.
C’est une belle reconnaissance pour la communauté des forestiers qui voient pour lapremière fois leurs savoirs et savoir-faire identifiés pour leur valeur patrimoniale. Je remercie tous les partenaires qui se sont mobilisés à nos côtés pour permettre l’aboutissement de la démarche. Il nous appartient maintenant collectivement de faire vivre nos pratiques afin d’en assurer.
Une tradition séculaire
Dans les grandes forêts, telles que Tronçais (Allier), les promeneurs peuvent marcher aux côtés de chênes géants datant du début de la sylviculture moderne, instaurée en 1835 par Joseph Louis de Buffévent, alors maître des Eaux et Forêts. Ces nombreux spécimens, profondément enracinés dans l’Histoire de France, sont des produits prisés pour des savoir-faire artisanaux tels que ceux de la tonnellerie. Ces chênes, issus de futaies régulières, sont aussi des matériaux précieux pour des chantiers historiques, comme la reconstruction de la flèche de Notre-Dame de Paris. Sans cettesylviculture séculaire, jamais celle-ci n’aurait pu être reconstruite à l’identique. La place du chêne dans l’idéal collectif français et dans la beauté forestière, fait de la futaie régulière de chêne une œuvre collective patrimoniale, confiée à des artisans de la nature : les forestiers.
Une pratique à l’écoute de la société
Tout au long de la vie du peuplement forestier, les artisans de la forêt procèdent à différentes coupes permettant aux plus beaux arbres de se déployer majestueusement. Le paysage est ainsi modifié, perturbant parfois le promeneur attaché à une sorte de vision immuable de la forêt. C’est oublier que celle- ci, comme les humains, vit différents cycles et qu’une génération d’arbres donne lieu à une autre de jeunes semis qui formeront, à leur tour, la forêt de demain. Expliquer et partager avec le grand-public ce cycle de vie est un enjeu fondamental pour assurer la pérennité de cette pratique forestière.
Une mosaïque de paysages et de biodiversité
Gérée durablement, la futaie régulière de chêne permet de créer une mosaïque de paysages et de milieux favorables à de nombreuses espèces, parfois rares, qui y trouvent refuge. Végétation basse, haute, espaces ouverts ou fermés, sous-bois et arbres d’accompagnement… Chaque stade est propice à une variété de richesse écologique.
ÉLEVER DES CHÊNES PRESTIGIEUX
La futaie régulière de chêne consiste à faire pousser, sur une même parcelle, des arbres d’âges sensiblement identiques et de dimensions voisines, sur 100 à 200 ans. Les années passent et les paysages varient, du jeune semis à la forêt cathédrale. Au cours du temps, les plus beaux arbres sont « élevés » par les forestiers, qui s’assurent de leur laisser toute la lumière nécessaire tout en veillant aurenouvellement permanent de la forêt. Des coupes sont ainsi effectuées jusqu’à celles dites de « régénération », qui s’achèvent une fois la relève des jeunes chênes assurée.
TRANSMETTRE ET PARTAGER LES CONNAISSANCES
Le temps des arbres n’est pas celui des humains. L’accompagnement de la vie d’un chêne se compte en plusieurs générations de forestiers. C’est pourquoi la transmission des savoirs et savoir-faire est un pilier de la futaie régulière de chêne. Le partage de la connaissance se fait avant tout sur le terrain. La désignation des bois (martelage) est un moment privilégié par les forestiers pour transmettre leur savoir aux forestiers de demain qui perpétueront ou feront perdurer les traditions, tout en les adaptant aux enjeux du changement climatique. Un sujet complexe où le chêne a quelques atouts : sa grande variabilité génétique, l’abondance de sa fructification et une longue histoire sur terre et dans nos contrées.