dim. Nov 17th, 2024

Crédit : Strike /TDL

A l’occasion de la 59è édition du Salon International de l’Agriculture, Terre de Liens publie la seconde édition de son Rapport sur l’état des terres agricoles en France. Et confirme les logiques d’accaparement et de financiarisation des terres agricoles aujourd’hui à l’œuvre en France. L’association lève le voile sur la propriété des terres. Aujourd’hui les sociétés agricoles financiarisées, marquées par la présence d’investisseurs non agricoles, possèdent 640 000 ha de terres et contrôlent 14% de la surface agricole. Et n’ont de cesse de se développer à la faveur d’un marché parallèle de la terre qui échappe à la régulation. A l’aube d’une nouvelle loi d’orientation agricole, Terre de Liens appelle le gouvernement à agir pour mieux contrôler ces sociétés qui dessinent une agriculture sans agriculteurs.

Les sociétés agricoles financiarisées contrôlent 14% de la surface agricole française

En 2015, c’est une transaction opérée dans la plus grande discrétion qui avait mis la France en émoi. Une société chinoise achetait 1 700 ha de terres agricoles dans l’Indre puis 900 ha dans l’Allier. Les terres nourricières françaises étaient-elles en train de se concentrer dans les mains de quelques investisseurs étrangers ? Deux ans plus tard, le député Dominique Potier, analysait le paysage par cette habile formule « derrière un Chinois il y a 99 Gaulois ». Ici, Fleury Michon possède un élevage où naissent six mille porcelets par an, là, Auchan acquiert 800 ha de terres. Plus au nord en Bretagne, le groupe Altho qui produit les chips Bret’s a englouti 4 fermes… Épiphénomène ou véritable tendance ? Impossible de le dire. Car en France, propriété des terres rime avec tabou.

Qui sont les propriétaires de terres agricoles en France ? Force est de constater que les pouvoirs publics ne se pressent pas pour donner la réponse. Dernière enquête statistique en date… 1992. En 1992, les agriculteurs et leurs familles possédaient 63 % de la surface agricole française. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Dans son deuxième rapport sur l’état des terres agricoles en France, Terre de Liens lève le voile sur l’opacité qui entoure aujourd’hui la propriété des terres. L’association dévoile la première étude nationale sur la propriété foncière agricole depuis 30 ans et confirme les phénomènes de financiarisation des terres aujourd’hui à l’œuvre. Nouvel acteur de la propriété des terres, les sociétés d’exploitation agricoles ont doublé en 30 ans. Parmi elles, les sociétés agricoles financiarisées (des sociétés à capital ouvert qui permettent à des investisseurs non agricoles de prendre le contrôle des fermes) représentent désormais 1 ferme sur 10 et contrôlent 14 % de la Surface Agricole Utile (SAU) dont 640 000 ha en faire valoir direct, c’est à dire en propriété.

Un marché parallèle de la terre qui profite à ces sociétés agricoles financiarisées

 

Non seulement très actives, sur le marché des terres contrôlé par la SAFER, (le gendarme de la terre en France, destiné à orienter les ventes de terres vers de nouvelles installations et une agriculture nourricière), ces sociétés se développent aujourd’hui via un marché parallèle de la terre qui échappe aux contrôles : le marché des parts de société.

Le principe est simple, un investisseur achète des parts d’une société agricole et devient ainsi propriétaire des terres qui sont fondues dans le capital d’exploitation de la société. La SAFER estime que 200 000 ha transitent chaque année via ce marché qui échappe à sa régulation. En 2021, la Loi Sempastous aurait dû permettre de s’attaquer à ce marché parallèle, mais elle a été largement détricotée par le Sénat.

 

Une agriculture sans agriculteurs ?

Contournement des mécanismes de régulation, concentration invisible des terres (en 2019, une étude exploratoire de la SAFER en Eure et Seine-Maritime a montré que derrière 48 fermes se cachaient seulement 19 sociétés mères), détournement des aides de la PAC, concurrence déloyale sur le marché des terres face à des agriculteurs qui souhaitent s’installer, le développement de ces sociétés financiarisées favorise aujourd’hui des logiques d’accaparement et de financiarisation des terres.

Groupes de l’agroalimentaire, fonds d’investissements.…les investisseurs non agricoles ont vite compris l’intérêt de ce marché souterrain de la terre pour prendre le contrôle d’exploitation agricoles et se passer de négociations avec des agriculteurs indépendants. Aujourd’hui ⅓ des sociétés agricoles financiarisées n’est pas contrôlée par des associés exploitants. Aux chefs d’exploitation, se substitue alors les cravates et ces sociétés pratiquent la délégation intégrale des travaux agricoles ou emploient des ouvriers agricoles. Un modèle d’agriculture sans agriculteurs à rebours des attentes sociétales.

 

Pour une loi d’orientation agricole à la hauteur des enjeux

A l’aube d’une nouvelle loi d’orientation agricole voulue par la Président sur le renouvellement des générations, Terre de Liens appelle le gouvernement à agir pour mieux contrôler ces sociétés financiarisées. Au risque de laisser se développer un modèle d’agriculture de firmes qui empêche des installations à taille humaine respectueuses de l’environnement. Des terres sans agriculteurs et des agriculteurs sans terres.

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