ven. Nov 22nd, 2024

A l’heure où la COP 28 bat le rappel de l’urgence climatique auprès de la communauté internationale, l’Ifremer souligne une fois encore que la lutte contre l’accélération du changement climatique ne peut se faire sans placer l’océan au cœur du débat. Les scientifiques de l’Ifremer répondent par une montée en puissance de leurs recherches sur le climat, des abysses à la surface et de la côte au large.

L’océan est un allié précieux pour la planète et notre avenir : à lui seul, il capte en effet près de 90 % du surplus de chaleur lié au réchauffement de l’atmosphère et 25 % du C02 produit par les activités humaines. Ce rôle de thermostat atténue les effets des changements globaux mais les conséquences sur l’océan sont nombreuses : élévation du niveau de la mer, acidification, ou encore intensification des événements climatiques extrêmes…

L’Ifremer s’engage pour que le rôle central de l’Océan soit mieux reconnu 

La mobilisation des scientifiques doit être coordonnée pour être efficace et maximiser la sensibilisation et l’action des politiques, des décideurs et du grand public. L’Ifremer répond ainsi présent dans les initiatives internationales pour la lutte contre le réchauffement climatique, qu’il s’agisse des Conférence des Nations Unies sur le climat (COP Climat), d’actions labellisées par la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), de la mission européenne Restore our Ocean and Waters by 2030. Au niveau français, l’Ifremer co-pilote avec le CNRS le Programme prioritaire de recherche Océan & Climat (2021-2028), doté d’un budget de 40 millions d’euros pour structurer les forces de la recherche françaiseA l’initiative d’événements internationaux comme le One Ocean Science, un tour du monde digital des sciences océaniques, l’Ifremer sera présent en 2025 à la troisième Conférence des Nations Unies sur les océans (UNOC3), organisée par la France et le Costa-Rica à Nice. L’Etat a en effet confié à l’Ifremer et au CNRS l’organisation du One Ocean Science Congress qui réunira plus de 2000 scientifiques en amont de l’UNOC3. De ce temps fort émergeront des recommandations destinées aux Etats membres décisionnaires. 

Observer l’océan et prendre son pouls

D’après Copernicus, programme d’observation de la Terre de l’Union Européenne, l’été 2023 a connu les températures moyennes mensuelles à la surface de la mer les plus élevées jamais enregistrées. Pour observer et comprendre les évolutions physiques et chimiques de l’océan face à ce réchauffement, les scientifiques disposent d’une panoplie de moyens : bouées, capteurs, observatoires, satellites… Le réseau des 4000 flotteurs autonomes du programme international Argo permet par exemple de surveiller et comprendre la réponse de l’océan au changement climatique jusqu’à 6000 mètres de profondeur. En collaboration avec les partenaires d’Argo France, l’Ifremer contribue au déploiement de 300 de ces flotteurs et travaille à l’élaboration d’une nouvelle génération de flotteurs profonds Deep Arvor pour quantifier plus finement la répartition dans les couches profondes de l’excès de chaleur absorbé, et estimer l’impact de la dilatation de l’océan profond sur l’élévation du niveau de la mer.

En océanographie spatiale, l’Ifremer a notamment contribué à la mise au point de KaRIn, le radar du satellite SWOT, développé par le CNES et la NASA et à la validation sur le terrain des premières données récoltées au printemps 2023. Cette campagne à deux navire menée avec le Shom, a confirmé la qualité de ces nouvelles images instantanées du niveau de la mer qui permettent d’étudier les petites structures océaniques (tourbillons, filaments, fronts de courant) dont on sait qu’elles ont un rôle dans la machine climatique.

Les campagnes scientifiques de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer, constituent une opportunité précieuse pour acquérir de nouvelles connaissances sur les évolutions liées au changement climatique dans des zones de l’océan difficiles d’accès comme les abysses. Une étude a ainsi mis en évidence le rôle mésestimé de la biodiversité des abysses dans la pompe à carbone océanique : ces données permettront d’améliorer les modèles climatiques. Le projet LifeDeeper propose de développer de nouveaux outils pour éclairer le fonctionnement naturel géologique, géochimique et biologique de ces écosystèmes profonds.

Autre région du globe difficile d’accès, l’océan Arctique joue un rôle d’indicateur stratégique pour le climat car les changements y sont plus spectaculaires qu’ailleurs. L’Ifremer mène en Arctique des recherches avec le projet ERC Waaxt pour étudier les interactions entre les vagues et la banquise dans cet océan progressivement libéré de la glace, et avec le projet CLIMArcTIC pour décrypter les causes et les conséquences du changement climatique à l’échelle locale et globale pour le climat mondial.

Conformément aux engagements récents pris par le gouvernement français lors du One Planet – Polar Summit, l’Ifremer devrait renforcer son rôle dans les recherches en océanographie polaire, à la faveur de la construction du premier navire à capacité glace, le Michel Rocard, appelé à rejoindre la Flotte océanographique française.

Évaluer les impacts sur la biodiversité marine

Les chercheurs de l’Ifremer spécialisés dans les micro-algues toxiques et nuisibles ont mis en évidence que le changement climatique provoque des efflorescences de plus en plus difficiles à prévoir au gré d’événements extrêmes de plus en plus fréquents. Certaines microalgues toxiques tropicales augmentent leur aire de répartition au rythme du réchauffement de l’eau : c’est le cas d’Ostreopsis Ovata aujourd’hui présente sur la côte basque ou de Gambersicus spp, responsable de la ciguatera, une intoxication alimentaire dans le bassin caribéen.

Les équipes de l’Ifremer étudient également la capacité des coraux à s’adapter au changement climatique : dans une étude publiée en 2022, ils ont constaté que les coraux « chimères » – coraux d’une même espèce qui fusionnent naturellement – sont plus résistants au changement climatique. Par ailleurs, le projet ARDECO teste pour la première fois la capacité d’adaptation des coraux d’eaux froide en les soumettant à différentes conditions de température et d’acidité.

Il a été également été montré que les récifs formés sur le littoral par des colonies de petits vers marins, les hermelles, profitent du changement climatique avec une superficie qui pourrait augmenter de 27,5 % vers le Nord jusqu’aux frontières de l’Ecosse dès 2050A contrario ces récifs pourraient aussi complètement disparaître de certaines zones et ne plus assurer la protection actuelle contre l’érosion du trait de côte.

Un autre sujet de recherche porte sur les effets combinés du réchauffement et de l’acidification des eaux côtières sur les huîtres et les moules. Les scientifiques pourront anticiper et évaluer la vulnérabilité de ces espèces, des écosystèmes et des entreprises conchylicoles en vue de mesures d’adaptation. Un autre projet investigue aussi les effets du réchauffement climatique combiné à d’autres stress environnementaux sur plusieurs générations d’huîtres plates.

Entre modification de la répartition des espèces, diminution de l’alimentation et de la croissance des individus, l’Ifremer a multiplié les études sur plusieurs espèces de poissons parmi lesquelles le bar, la sole, l’épinoche, les sardines, anchois ou encore les harengs et les sprats avec parfois des suivis sur plusieurs générations de poissons, en fonction des différents scenarios de température et d’acidification envisagés par le GIEC.  Des travaux menés sur le bar suggèrent par exemple que l’acidification contribue à une augmentation du nombre d’œufs produits, mais de moindre qualité, et à une altération du comportement reproducteur chez les mâles. D’autres expérimentations confirment le lien entre température élevée et masculinisation des individus.

Enfin, chez les petits poissons (sardines, anchois), les données montrent une diminution de la taille et du poids à l’âge adulte sur les côtes françaises de la Méditerranée : la taille des sardines est passée de 15 à 11 cm en moyenne, leur poids de 30 g à 10 g, et les individus de plus de deux ans ont disparu. Cette étude met en cause un changement de la composition du plancton (avec des espèces moins grandes et moins riches), dont se nourrissent ces petits pélagiques, lié à plusieurs facteurs : la baisse des nutriments apportés par le Rhône, des modifications de la circulation atmosphérique et océanique, et une augmentation globale de la température de 0,5°C en 30 ans en moyenne en lien avec le changement climatique.

Accompagner la transition écologique par la recherche et l’innovation

Le soutien aux énergies marines renouvelables est un axe prioritaire pour l’Institut. L’expertise de l’Ifremer est sollicitée en amont de l’implantation des parcs éoliens marins notamment pour le suivi scientifique des impacts environnementaux de ces installations. En partenariat avec des industriels, nos équipes soutiennent plusieurs projets de systèmes houlomoteurs et mettent à disposition des moyens d’essais en bassin ou en mer. Citons le projet mené avec Seaturns qui teste un prototype pour transformer les vagues en énergie, ou encore DIKWE, une digue portuaire qui intègre un système de récupération de l’énergie des vagues, lancée par le Groupe Legendre, en collaboration avec Geps Techno et l’Ifremer.

L’Institut concentre aussi ses efforts de recherche sur l’optimisation de technologies pour l’éolien en mer ou les systèmes hydroliens. L’Ifremer a ainsi été mandaté par les ministères en charge de l’écologie, de l’énergie et de la mer pour réaliser, en collaboration avec le CNRS, une expertise scientifique collective (ESCo) sur les effets des parcs éoliens en mer.

Grâce au concours d’innovation Octo’pousse, l’Institut soutient aussi la création de startups qui œuvrent pour des solutions de production d’énergies vertes (projet Grhyn) ou de transport décarboné (avec les startups Marine Weather Intelligence ou Blue fins). A noter également que l’Ifremer est le partenaire scientifique du fonds d’investissement « Blue Ocean » lancé par SWEN Capital Partners, un des plus grands fonds au monde dédié au financement de startups dédiées à la régénération de l’océan.

Autre chantier d’envergure pour 2024, le travail de prospective de la Flotte océanographique française a pour objectif de diminuer de 40 % les émissions de gaz à effets de serre produits par ses navires.

Enfin, l’Ifremer renforce ses activités centrées sur l’étude du changement climatique avec plusieurs nouveaux projets de recherches : CLIMEX étudiera les niveaux marins extrêmes et les surcotes occasionnées par les tempêtes, FORSEA s’intéressera à la prospective et à la durabilité de la pêche et de l’aquaculture française jusqu’en 2050, CAPTURE se concentrera sur l’étude des systèmes estuariens et leurs réponses face aux changements globaux, CROSSROAD se penchera sur la mesure du mélange océanique…

L’Ifremer est en marche pour le climat !

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