ven. Nov 22nd, 2024

Par AGPB

I. Une belle moisson 2019, qui masque des situations locales difficiles.

2019 est une belle année pour la majorité des céréaliers français. Quantité et qualité sont au rendez-vous, notamment en Orge et en blé tendre.

Cela ne doit pas pour autant masquer la situation catastrophique de certaines régions comme le sud-ouest ou la Limagne en blé tendre, qui a gravement souffert de la sécheresse.

En outre, la production de blé dur s’effondre du fait du recul des surfaces, malgré un rendement moyen record. Les déceptions des années passées ont découragé les producteurs.

a) Une moisson 2019 plus qu’encourageante, aussi bien en quantité qu’en qualité

Estimation des rendements et productions de céréales : ces données sont des estimations d’Agreste en date du 1er aout 2019 et des observations issues d’Arvalis Institut du végétal. Elles peuvent sensiblement évoluer en fonction des moissons plus tardives notamment dans la moitié nord de la France. Chaque année l’AGPB organise une enquête auprès des organismes de collecte. Les résultats montreraient d’ores et déjà que ces chiffres sont légèrement sous-estimés.
Résultats définitifs début septembre.

BLE TENDRE

ORGE

BLE DUR

 

b) Des régions fortement impactées par la sècheresse…

Si l’année 2019 s’avère être un bon cru pour les producteurs de céréales français, il est nécessaire d’évoquer certaines situations régionales difficiles. Les céréales d’hiver, semées à l’automne 2018 ont moins souffert que les cultures de printemps, semées au printemps 2019. Les agriculteurs de la plaine de la Limagne notamment (à proximité de Clermont-Ferrand) auront bien du mal à se retrouver dans le tableau dressé précédemment. Cette petite région a en effet connu une sécheresse extrême tout au long de l’année.

 

2019 est une des années les plus
chaudes jamais enregistrées partout
sur le globe, selon l’OMM,
Organisation météorologique
mondiale.
Ce coup de chaud sur la
planète qui dure depuis plusieurs
années impacte directement les
hommes et les cultures.
Les agriculteurs français subissent de plein
fouet les sautes d’humeur du climat. Ils
ont tout autant été impactés par les
excès d’eau que par la sécheresse, sur
de nombreux aspects : absence ou
mauvaise levée des semis de colza en
2018, manque d’eau pour les cultures
de printemps, faible disponibilité du
fourrage pour l’élevage, ou encore
incendies spectaculaires dans toute la
France durant les moissons,
ayant fait des blessés et des victimes.

 

Fin juillet, des mesures exceptionnelles ont été demandées par la FNSEA et l’AGPB :
• Certaines ont été acceptées par le gouvernement : Autorisation de fauchage ou pâturage des
jachères SIE pour pallier au manque de fourrage pour 60 départements, décalage au 20/08
de la date de début de présence obligatoire des cultures dérobées pour 38 départements,
avance de trésorerie des aides de la PAC à hauteur de 70% le 16 octobre, mesures
d’exonération de TFNB, de cotisation MSA.
▪ Pour autant, la mise en œuvre des cellules d’urgence pour accompagner les exploitations les
plus en difficultés doit être effective, et pour les départements non concernés ci-dessus, si
les cultures ne lèvent pas ou partiellement, nous demandons que des dérogations soient
acceptées.
Ces mesures, nécessaires dans cette situation d’urgence, ne doivent pas devenir la norme. Il est
absolument indispensable de s’organiser pour prémunir les agriculteurs des risques inhérents à
la sécheresse. Cela passe avant tout par la création d’outils de stockage des pluies d’hiver, qui
permettra un plus large développement de l’irrigation. La question du stockage de l’eau s’oppose
encore trop au dogmatisme et à la frilosité des pouvoirs publics face à certaines associations
environnementales. On le voit encore au travers du dossier de la retenue d’eau de Sivens dans le
Tarn et Garonne, qui fait toujours polémique après des années et des années de démarches, de
procédures et d’adaptation. Il faut retrouver le chemin du bon sens en faisant dialoguer les
différents acteurs des territoires.

c) Une situation économique moyenne qui peine à s’améliorer

Malgré des records de production, les résultats économiques des exploitations céréalières
devraient rester moyens. En effet, la récolte européenne et mondiale de blé tendre est
également très bonne. Le poids des fondamentaux (la logique des volumes produits et
commercialisés dans le monde) est prédominant. De fait, les prix de marché restent à des niveaux
faiblement rémunérateurs.
Les colzas, culture produite également par les céréaliers, ne se portent pas mieux, les prix ayant
énormément chuté récemment, et la production n’étant pas au beau fixe du fait de la sécheresse.
Cette même sécheresse devrait d’autre part avoir un impact significatif sur les cultures de
printemps (betteraves, maïs…) dans certaines régions françaises.
Sur la base des prévisions de prix de campagne et de la moisson 2019, l’AGPB et Arvalis Institut
du végétal ont projeté une estimation – en date de fin juillet – du prix final payé aux producteurs
sur la nouvelle campagne 2019/2020. En somme, le prix du blé sur lequel l’agriculteur projettera
ses résultats économiques de l’année à venir.

C’est un exercice à prendre avec toutes les précautions d’usage, face à la volatilité élevée des
prix en raison de l’attente des résultats finaux des différentes récoltes dans le monde, des
incertitudes liées aux tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, mais aussi de la
parité monétaire. C’est aussi une approche moyennée qui ne reflète pas les différences
importantes qu’il peut y avoir entre les différentes zones de production et leur éloignement par
rapport aux infrastructures logistiques.
Sur base de ces estimations, le résultat courant annuel avant impôts et après cotisation sociale
par actif non salarié pour les céréaliers présenterait une faible amélioration en 2019.
Cependant, la poursuite de la baisse des prix depuis le début mois d’août laisse présager des
résultats plus faibles.

Rappelons que le SMIC en France est de 1520 euros bruts par mois. La situation économique des
céréaliers est donc bien loin des à priori souvent véhiculés. D’autre part, la plupart des céréaliers
des régions Auvergne et Occitanie ne peuvent pas se verser de revenu cette année.

 

II. Une campagne de commercialisation prometteuse, dans un contexte de perte de compétitivité de l’agriculture française

a) Blé tendre : une reconquête des marchés extérieurs à poursuivre
Les bonnes quantités de blé tendre moissonnées ainsi que la qualité prometteuse du grain
permettent d’envisager un approvisionnement serein de tous nos marchés traditionnels sur
2019/2020. Les poids spécifiques sont excellents, et le taux de protéine moyen est de 11,5% en
blé tendre. Quelques inquiétudes subsistent cependant pour les orges de printemps, qui
présentent des taux de protéines moyens de 9%.

La France devrait donc lutter à armes égales avec ses principaux concurrents, qui ont, eux aussi,
connu une très belle moisson. La production européenne est attendue en hausse (141 millions
de tonnes contre 127 millions de tonnes en 2018 pour le blé tendre, 59 millions de tonnes contre
56 en orge). La production mondiale de blé tendre augmente elle aussi de l’ordre de 5 à 6 % (soit
+40 millions de tonnes, 666 millions de tonnes en 2018 contre 705 en 2019). Conséquence
directe : le prix du blé tendre plafonne à 165 euros la tonne (prix rendu Rouen).
La future campagne devrait donc être très agitée et mouvementée. L’un des objectifs pour la
France sera, comme les années précédentes, de diversifier sa clientèle en retrouvant sa place sur
ses marchés extérieurs traditionnels (Afrique du Nord, Afrique de l’ouest…).
La tâche risque cependant d’être rude. Les céréales françaises sont en effet de nouveau
handicapées par un défaut de compétitivité. Les blés de la mer noire poursuivent leur domination
de la scène mondiale, du fait de leurs prix moins élevés et de leurs niveaux de protéines
supérieurs aux blés français.

b) Agriculture française : une perte de compétitivité alarmante
Malgré la concurrence féroce qui s’exerce au niveau international, le secteur céréalier reste
aujourd’hui l’une des figures de proue de la puissance agricole française. Il est, après le secteur
viticole, le deuxième plus gros contributeur à l’excèdent de la balance commerciale agricole
française. L’excédent dégagé par les produits issus des céréales (blé et orge) est en effet de 4,1
milliards d’euros selon le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat.
La filière céréalière fait pourtant aujourd’hui figure d’exception, tant l’agriculture française perd
peu à peu de sa puissance exportatrice. Si depuis 2011, le solde avec les pays tiers est resté positif
et constant (plus de 6 milliards d’euros), l’excédent commercial issu des échanges avec les pays
européens a considérablement chuté, au point de devenir négatif en 2018. L’agriculture française
n’a cessé de perdre de sa compétitivité.

Les charges sont, selon le rapport, 1,7 et 1,5 fois plus élevées qu’en Espagne et qu’en Allemagne.
Les surtranspositions des politiques environnementales européennes sont elles aussi pointées
du doigt, tout comme l’augmentation des importations de mauvaise qualité. En effet, entre 10 %
et 25 % des produits importés en France ne respecteraient pas les normes minimales imposées
aux producteurs français, exerçant ainsi une concurrence déloyale. Voilà pourquoi depuis des
mois, ce sujet est au cœur du débat syndical de l’ensemble des filières (éthanol, biodiesel, fruits
et légumes…)
Nous ne saurions imaginer une France déclassée comme puissance agricole secondaire. Les
céréaliers œuvrent tant bien que mal à maintenir cette puissance, dans un contexte de plus en
plus défavorable. Il est temps de réagir.

III. La transition ne doit pas se faire à marche forcée

a) Les céréaliers s’engagent en faveur de la transition agroécologique, vers un nouveau pacte avec la société.
Les céréaliers ont pleinement conscience des enjeux environnementaux et climatiques qui
pèsent sur eux. Leurs pratiques évoluent en permanence pour répondre à ces enjeux ainsi qu’aux
attentes sociétales émises par leurs concitoyens. Au travers du plan stratégique présenté lors du
Congrès des Céréaliers de Compiègne en février 2019, l’AGPB souhaite établir un nouveau pacte
avec la société.

 

Un projet ambitieux pour renouer le dialogue avec la société

Aujourd’hui les céréaliers peinent à faire reconnaître les efforts entrepris depuis de nombreuses
années en faveur de la qualité de leurs grains, de l’écologie et du climat. A ce jour, seule
l’agriculture biologique est reconnue, à tort ou à raison, pour ses vertus. Il existe pourtant un
champ d’investigation et de reconnaissance bien plus large entre ce type d’agriculture et
l’agriculture dite conventionnelle. « Les Nouveaux Céréaliers », nouvelle identité de marque des
céréaliers français, revendiquent et pratiquent d’innombrables démarches et actions en faveur
de la protection de la biodiversité, des pollinisateurs, de l’optimisation des intrants par
l’agriculture de précision, etc… Reconnaitre l’ensemble de ces pratiques vertueuses est une
nécessité.

Pour reprendre la main sur leur avenir, les céréaliers français ont donc souhaité s’engager en masse vers un dispositif de certification environnementale du type HVE, Haute Valeur Environnementale, plébiscitée notamment lors des Etats Généraux de l’Alimentation.

La certification du maximum de céréaliers au niveau 2 de la démarche leur permettra de faire reconnaitre auprès de la société comme auprès des acheteurs et transformateurs, leur savoir-faire. Et cela autant sur le plan français, avec des équivalences sur des cahiers des charges filières (Lu Harmony, Jacquet, SAI, AgriConfiance par exemple), mais aussi au niveau international avec des équivalences possibles sur le prochain dispositif d’actions environnementales et climatiques de la politique agricole commune (Ecoscheme)

Rendre accessible la Certification HVE niveau 2 :
▪ Le premier travail entamé concerne la certification environnementale, dans laquelle l’AGPB
souhaite impliquer la majorité des producteurs céréaliers. Des groupes de travail ont d’abord
été lancé au sein de toute la filière pour analyser les leviers et les freins à une certification
massive.
▪ L’AGPB a ensuite lancé un plan de communication auprès des céréaliers français et les
réseaux syndicaux afin de leur expliquer la démarche et son intérêt. Un document
pédagogique sera diffusé dans les prochaines semaines.
▪ Un rapprochement a, d’autre part, été effectué avec certaines ONG, notamment la Ligue de
Protection des Oiseaux et l’ONCFS, afin de déterminer et de dynamiser les points de
convergence existants et identifier les actions supplémentaires à mettre en œuvre pour
favoriser la biodiversité.
▪ L’AGPB est entrée en concertation avec l’ensemble des partie prenantes, notamment le
CNCE, Commission Nationale de la Certification Environnementale, au sujet de la prise en
compte des spécificités des grandes cultures dans le cahier des charges de la certification. A
ce jour, seule une poignée de producteurs de grandes cultures est certifiée, alors que les
viticulteurs le sont bien davantage.
▪ Enfin, un travail de sensibilisation des élus (parlementaires français, européens, et élus
territoriaux) a été lancé afin d’obtenir une équivalence entre le niveau 2 de la certification
environnementale HVE et l’Eco-scheme, le nouveau dispositif « environnemental et
climatique en cours de discussion pour la prochaine PAC.

 

b)Une succession d’interdictions et de contraintes pourtant imposées sans concertation

Les céréaliers ont connu, ces deux dernières années, de nombreuses mesures contraignantes et
arbitraires, qui les laissent dans des impasses agronomiques et/ou qui impactant leur
compétitivité. L’interdiction des Néonicotinoïdes, la suppression des 3 R (Rabais, Remises,
Ristournes), la séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires et l’augmentation
de la RPD (Redevance pour Pollution Diffuse) sont déjà actées. L’utilisation du Glyphosate est
remise en cause mais en l’absence de solutions économiquement viables.
Passant outre les démarches territoriales que sont les chartes départementales d’engagement
(ou chartes riverains), qui ont déjà été signées dans un certain nombre de collectivités, le
gouvernement souhaite aujourd’hui mettre en place des zones de non-traitement de 5 à 10
mètres à proximité des habitations. Cette mesure conduirait à retirer de la production des milliers
d’hectares de la production, engendrant un manque à gagner certain pour les producteurs
concernés.

Les agriculteurs devraient, d’autre part, prévenir 12 heures à l’avance le voisinage de ses
traitements. Sans parler de la difficulté agronomique de cette mesure, les conditions
météorologiques propices à la pulvérisation pouvant apparaitre ou disparaitre sur des timings
beaucoup plus courts, cela risque d’accentuer encore un peu plus les tensions entre les
agriculteurs et leur voisinage là où il y en a.

L’état ne peut pas se substituer au législateur de la sorte. Les parlementaires avaient souhaité
l’établissement de ces chartes riverains. De telles dispositions vont réellement à l’encontre de la
dynamique en cours basée sur la concertation locale et le dialogue.
Suite aux actions conjointes des filières Grandes cultures, la consultation publique préalable à
l’établissement de telles mesures a été repoussée, laissant plus de temps aux départements de
mettre en place les chartes riverains. Cependant le sujet est loin d’être clos !

c) Des distorsions de concurrences entérinées par les traités de libre échange
Alors que les conditions de production des agriculteurs français ne cessent de se durcir, le gouvernement les expose à de nouveaux marchés au travers des différents accords de libre-échange. Le CETA, accord de libre-échange avec le Canada, a été ratifié le 23 juillet dernier par l’assemblée nationale. L’accord avec le Mercosur a, quant à lui, été annoncé fin juin par la commission européenne.

Des différences de normes de production intolérables
Les normes de production agricole ne sont pas les mêmes et cela induit de véritables distorsions de concurrence sans parler des conséquences environnementales et de la légitime attente des consommateurs européens vis-à-vis de la qualité des produits.

Les produits phytosanitaires autorisés au Canada et encore plus dans les pays d’Amérique du sud
sont bien plus nombreux qu’en Europe. Certains principes actifs encore largement utilisés au
Brésil, comme l’atrazine, sont interdits depuis longtemps en Europe !
De même, les producteurs sud-américains, mais aussi canadienssont bien moins bridés au niveau
de la fertilisation que leurs homologues européens. Il en va de même concernant certaines
techniques génétiques telles que les OGM

Ces deux accords n’auront pas le même impact pour les producteurs céréaliers français :
Les normes sociales et environnementales ainsi que les coûts de production des céréaliers
canadiens sont relativement proches des nôtres. Plusieurs céréales canadiennes bénéficient déjà
de taxes d’importations variables aujourd’hui, voire nulles de façon permanente (blé dur, blé
tendre, orge…). Aucun impact négatif n’est relevé sur le marché européen. Le blé dur canadien
arrive sur le continent au même prix que son équivalent européen. Le blé de force canadien est
également importé, à raison, l’Union européenne étant déficitaire. Le Canada ne devrait pas non
plus menacer les débouchés industriels européens (amidonnerie et éthanol), ces deux produits
étant peu exportés par le Canada.

A l’inverse, le blé tendre argentin est, tout comme le russe, nettement moins cher et très agressif en Europe. Le Brésil est quant à lui extrêmement compétitif en maïs. Les droits de douane actuels représentent une barrière à son arrivée massive en Europe. Les pays du Mercosur représentent également une menace en amidonnerie et en éthanol.
Tant que l’Europe et la France continueront d’imposer à leurs agriculteurs des normes de production beaucoup plus exigeantes que dans les autres pays agricoles exportateurs, les producteurs céréaliers français continueront à exprimer une opposition de principe au libre-échange de produits agricoles.

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