Hugues Chaboud, vigneron du domaine de Ramatuelle à Brignoles et Thomas Paul, viticulteur à Montfort sur Argens ont créé en 2020 une pépinière de plants de pistaches, Pépistach’.
Les 2 ingénieurs agronomes, diplômés de l’école de Purpan, s’organisent aujourd’hui pour créer une filière allant du plant à la transformation.
Vers davantage de résilience climatique et économique
Avant de reprendre l’exploitation familiale, Thomas Paul a travaillé à l’étranger pendant 17 ans dans la grande distribution, allant du Mexique à l’Espagne, en passant par l’Argentine, et le moyen orient. « Mes premières missions à l’étranger consistaient à construire, structurer des filières d’approvisionnement agricole créatrices de valeur ».
Il rencontre Denis Ketabi, franco-iranien, producteur de pistaches et dirigeant de plusieurs ateliers de transformation. Lorsque Thomas revient en France en 2015, alors que le rosé de Provence connait son euphorie, il pense qu’il est important de se diversifier pour maintenir la rentabilité à long terme des exploitations agricoles.
Il réfléchit alors à la pistache, à la grenade et au nopal. La pistache retient toute son attention, notamment pour ses débouchés importants, que ce soit pour la pâtisserie, la confiserie et la nougaterie.
De son côté, Hugues Chaboud connait plusieurs épisodes de gel de printemps qui impactent de manière très importante sa production. Il pense alors très fortement à diversifier ses cultures. « Et lorsque vous travaillez le rosé, la vulnérabilité climatique se traduit immédiatement en vulnérabilité économique » confie ce dernier.
A la recherche de la bonne pistache
Très rapidement, Thomas et Hugues identifient la pistache verte émondée comme un marché structurel générateur de forte rentabilité et compatible avec leur valeur de terroir d’excellence. C’est vers cette dernière que les deux agronomes se sont tournés car en plus de ces conditions de marché favorables, c’est aussi celle qui s’adapte le mieux à une culture dans le sud de la France.
La création de la pépinière Pépistach’
Hugues et Thomas sont avant tout agriculteurs. Ils ont consacré du temps à étudier les différentes variétés avant de se lancer, conscients de l’importance des enjeux de la construction d’une nouvelle filière agricole. Ne trouvant pas de plants français de qualité satisfaisante, ils partent à l’étranger à la recherche de portes greffes et de cultivars. En 2020, ils s’associent et fondent à Brignoles Pépistach’, la pépinière de plants de pistaches. Denis Ketabi se joint à l’aventure, apportant son expérience et son expertise. Cette démarche leur permet de mieux comprendre le végétal, de tester, d’expérimenter et d’observer.
Les pistachiers ne peuvent pas produire en pied franc. Aujourd’hui, les graines de leur porte greffe proviennent d’Amérique, des montagnes provençales (les sujets sont repérés et ils ramassent ensuite les graines) et de l’Atlas. Hugues et Thomas se sont formés aux différentes techniques de greffage.
Le Sud de la France, une terre propice à la Pistache
Une fois greffés, les pistachiers partent en croissance et restent dans la pépinière environ 18 mois. Hugues et Thomas accompagnent systématiquement les agriculteurs et ne vendent pas d’arbre sans avoir procédé à une analyse d’implantation. Ils achètent également des plants car la pépinière n’arrive pas encore à fournir aujourd’hui la forte demande. Aujourd’hui, il y a 300 hectares plantés. Leur objectif est d’atteindre les 3 000 hectares en 2030 et 5 000 en 2035. Leur zone de chalandise est vaste puisque la pistache verte émondée peut s’épanouir dans tout l’arc méditerranéen nord, des portes de Nice, jusqu’à l’Occitanie. Un territoire où la vigne est reine mais qui possède également de nombreuses terres libres, laissées en jachères.
La production de la pistache
Il faut attendre 5 ans pour qu’un plant donne ses premiers fruits. Au cours du mois de septembre, la récolte s’effectue uniquement à la main lorsque la pistache est encore immature et dans sa coque. On estime environ 15 kilos de fruits par arbre en bord de champs. Une fois décortiquée et séchée, le produit fini s’élève à 1,5 kilos de pistaches. Et le cours de la verte émondée est à environ 23 euros le kilo.
La création d’un atelier de transformation pour lancer la filière
Au-delà de la pépinière, Thomas, Hugues et Denis ont créé « Pistache Provence », l’atelier de transformation. Pour construire la filière, l’étape de la transformation est capitale. Elle nécessite un très haut niveau d’exigence et de technicité où l’expérience de Denis est précieuse. En effet, ce dernier possède un véritable savoir-faire industriel puisqu’il gère déjà plusieurs unités de production. L’atelier permettra de transformer les pistaches produites dans tout le sud de la France. Il portera aussi le développement d’essais variétaux et participera à la diffusion du progrès technique.
La rigueur de l’approche agronomique, la production de plants de qualité, la recherche et l’expérimentation, l’accompagnement technique des producteurs, la présence d’un atelier de transformation performant sont d’autant d’éléments essentiels à la réussite de la construction de cette nouvelle filière. Il s’agit de créer et de conserver de la valeur à long terme pour las agriculteurs.
Originaire de pays arides et semi-arides (Iran, Afghanistan, Pakistan…), la pistache a conquis le bassin méditerranéen depuis l’Antiquité. Le pistachier s’épanouit sous des climats extrêmes, il est plus résistant que la vigne aux maladies, à la sécheresse et au gel.
« La présence de pistachiers sauvages autour de nous prouvait son adaptabilité à nos conditions agropédoclimatiques et notamment sa résistance à la sécheresse » confie Hugues Chaboud. Mais si la pistache a bien été cultivée en France jusqu’au XIXème siècle, il fallait partir d’une feuille blanche. Avant de s’aventurer dans la pistache, Thomas et Hugues ont travaillé plusieurs années sur les différentes variétés : la snack, bien connue à l’apéritif qui constitue 80% du marché, la coque décortiquée qui représente uniquement 2% du marché et la verte émondée destinée à la confiserie, la pâtisserie et la nougaterie, cette dernière représentant environ 8% de la production. « On entre donc dans une chaine de valeur d’autant plus intéressante que seuls quelques pays sont capables d’en produire aujourd’hui » confie Hugues Chaboud.