En 1991, Sylvie Grillet-Aubert s’installe en tant que productrice de lait, aux côtés de son mari, dans le Chablais (nord de la Haute-Savoie). À ce moment précis, le fromage fêtait son premier anniversaire d’obtention de l’appellation. Dès son installation, elle participe activement à la construction de la filière AOP Abondance et devient rapidement présidente du syndicat, rôle qu’elle gardera durant 14 ans.

En 1990, l’Abondance obtenait son appellation. Quels souvenirs gardez-vous de cette période charnière pour la filière ?

« Barnabé Folliet fait partie des personnalités qui ont compté et posé les premières pierres de la filière. Alors producteur fermier, il est à l’initiative de la demande de reconnaissance sous appellation. Son obtention en 1990 a donné un véritable élan à la filière Abondance.
Le travail autour du cahier des charges était colossal mais a permis de belles discussions avec les opérateurs, les techniciens, les organismes et collectivités locales impliqués. C’était une période avec un fort dynamisme pour une petite production et une filière en construction. On peut dire qu’il y avait une vraie énergie collective. »

Quels étaient les principaux défis et enjeux à relever à l’époque pour structurer la production et défendre l’identité du fromage Abondance ?

« Avec la création du cahier des charges, les premières années, l’effort concernait le travail technique. Il a demandé un investissement important pour que chaque opérateur respecte son cadre et, en finalité, les nouvelles règles en matière de protection et de qualité du fromage. Il fallait qu’ils se sentent impliqués, qu’ils se sentent partie prenante de la filière, car ce changement demandait beaucoup d’investissement pour eux. Une fois ce travail technique stabilisé, nous avons pu nous concentrer sur notre deuxième enjeu : la notoriété du fromage Abondance. À l’époque, d’autres AOP fromagères de Haute-Savoie connaissaient déjà une notoriété plus assise que le fromage Abondance. Un important travail a donc dû être mené par le syndicat et par les professionnels de la filière pour faire rayonner ce fromage représentant d’un savoir-faire traditionnel ancré en Haute-Savoie. »

L’Abondance a toujours été porté par des femmes et des hommes engagés. Qu’est-ce qui, selon vous, caractérise cette vision collective ?

« C’est l’une des plus grandes forces de notre filière : des femmes et des hommes, tous opérateurs et guidés par une vision commune, celle de faire prospérer le fromage, sa notoriété et par là enclencher son développement. Au moment du lancement de la filière, nous avons également pu bénéficier d’une grande solidarité avec les autres fromages de Savoie.
Cela a été rendu possible par l’écosystème actif dans les deux départements avec un terroir fort et une vraie culture du fromage. On travaillait beaucoup ensemble et c’est un esprit qui est resté. »
« J’ai toujours été persuadée que participer au lancement de la filière AOP Abondance était une grande chance. On se rend compte que ces AOP, c’est quand même une espèce d’exception à la concurrence sauvage. »