Vendredi 26 janvier, le Premier ministre entendait enfin annoncer des mesures face au ras-le-bol du monde agricole. Un ras-le-bol qui vient de loin mais qui, manifestement, n’est parvenu aux oreilles du Gouvernement qu’avec la mobilisation inédite des agriculteurs ces derniers jours.
Le constat du Premier ministre est le bon : manque de reconnaissance, injonctions contradictoires, carcan administratif, perte de souveraineté alimentaire, concurrence déloyale. L’ambition du Premier ministre est la bonne : « mettre l’agriculture au-dessus de tout ».
Les annonces ne peuvent en revanche que laisser la profession agricole dubitative : au-delà de l’inévitable et indispensable abandon de la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier, le Premier ministre a égrené une dizaine de mesures technico-administratives certes de bon sens, mais qui ne constituent en rien une réponse à la hauteur des enjeux.
En indiquant qu’il n’y aura pas de retour en arrière, le Premier ministre fait complètement fausse route et condamne nos paysans. La commission des affaires économiques considère que pour que l’agriculture française puisse aller de l’avant, la correction de certaines erreurs du passé est plus que jamais indispensable.
Ne pas revenir en arrière revient à maintenir des surtranspositions qui minent non seulement la compétitivité de la ferme France, mais aussi le moral d’agriculteurs à qui l’on demande toujours plus, sans rien en retour.
Ne pas revenir en arrière revient à s’accommoder de l’éviction du politique dans la prise de décision sur des sujets majeurs en agriculture.
Ne pas revenir en arrière, c’est abandonner toute velléité de réorienter une politique agricole commune sur laquelle la France a capitulé de longue date.
Ne pas revenir en arrière, c’est accepter le « Pacte vert », assurance d’une mort lente de l’agriculture française et européenne, et de la fin de la souveraineté alimentaire du vieux continent.
Le Premier ministre indique souhaiter disposer d’ici le salon de l’agriculture d’un état des lieux précis de notre perte de souveraineté : cet état des lieux existe, c’est le rapport sur la compétitivité de la ferme France du Sénat de 2022.
Les solutions, elles aussi, existent :
elles figurent dans la proposition de loi transpartisane « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France », d’ores et déjà adoptée au Sénat en mai 2023, jamais inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ni reprise par le Gouvernement.
Si le Gouvernement souhaite placer l’agriculture française « au-dessus de tout », il trouvera assurément la commission des affaires économiques à ses côtés, pour adopter, dans le cadre de la future loi d’orientation agricole, les dispositions votées au Sénat : simplification normative, détente fiscale et sociale, retour du politique dans la prise de décision, coup d’arrêt aux surtranspositions, soutien aux projets agricoles permettant de sécuriser leurs productions, respect des lois Egalim et intégrer les dispositions de la proposition de loi tendant à répondre à la crise agricole déposée au Sénat mercredi dernier.
La commission poursuivra dès les prochains jours ses travaux, engagés de longue date, en recevant, mercredi 31 janvier 2024, Arnaud Rousseau, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), pour lutter contre la stigmatisation permanente du monde agricole qui aggrave le profond mal‑être de nos agriculteurs.
Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, souligne : « ce dont nos agriculteurs ont besoin, c’est de responsables politiques qui ne leur racontent pas des histoires, qui aient le courage d’assumer leurs votes, et qui ne changent pas de discours quand ils changent de langue : français à Paris, anglais à Bruxelles, souveraineté alimentaire et renouvellement des générations au salon de l’agriculture, Pacte Vert, 4 % de terres agricoles en jachère et accord de libre échange avec le Mercosur à Strasbourg. Cette schizophrénie doit cesser ».
Laurent Duplomb, co‑auteur de la proposition de loi tendant à répondre à la crise agricole et président du groupe d’études « Agriculture, élevage et alimentation » ajoute : « Le diagnostic est parfait, le Premier ministre a bien compris la situation ; mais l’ordonnance prescrite est mauvaise. Beaucoup de maux pour si peu d’actes. Ne pas vouloir revenir en arrière alors qu’on reconnaît avoir fait des erreurs est mortifère. J’attends des avancées beaucoup plus concrètes, les réponses à la crise agricole sont sur la table, elles sont connues de tous, il suffit que le Gouvernement ait enfin le courage d’écouter le monde agricole et de reprendre à son compte les propositions du Sénat ».