Par collectif Stop CETA-MERCOSUR
Ce lundi 29 janvier 2024, l’Elysée a annoncé que la Commission européenne avait « stoppé » les négociations avec les pays du Mercosur.
Ce mardi midi, la Commission dit le contraire : « les discussions se poursuivent et l’Union européenne continue de remplir son objectif de parvenir à un accord ».
L’annonce de l’Elysée avait de quoi surprendre alors qu’un round de négociation de haut-niveau s’est tenu ces 25 et 26 janvier au Brésil et que les négociateurs auraient avancé sur des sujets difficiles.
L’annonce de l’Elysée et le démenti de la Commission européenne sont source de confusion et ne peuvent que jeter de l’huile sur le feu en pleine mobilisation du monde agricole.
Pour le collectif national Stop Mercosur regroupant les organisations de la société civiles mobilisées depuis des années sur cet accord, il est urgent d’envoyer au rebut cet accord UE-Mercosur si anachronique, ainsi que d’abandonner la ratification (Nouvelle Zélande, Chili, Kenya, Mexique etc) et la négociation de nouveaux accords (Inde, Australie, Indonésie, Thaïlande, etc).
Le media Politico rapporte les propos de l’Elysée de ce lundi 29 janvier selon lesquels la Commission européenne avait stoppé les négociations avec les pays du Mercosur : « la Commission a compris qu’il était impossible de conclure les négociations dans ce contexte » affirme l’Elysée, précisant qu’instruction aurait été donnée aux négociateurs « de mettre un terme aux séances de négociations en cours au Brésil » ainsi qu’annuler « la visite qui avait été envisagée par le vice-président de la Commission en cas de conclusion ». Un engagement qu’Emmanuel Macron aurait obtenu d’Ursula Von der Leyen ce week-end, selon Le Figaro.
Dans un briefing de mi-journée ce 30 janvier 2024, si le porte-parole de la Commission européenne a estimé que « les conditions nécessaires à la conclusion des négociations avec le Mercosur n’étaient pas réunies », il a immédiatement précisé que « les discussions se poursuivraient et l’Union européenne continuerait de remplir son objectif de parvenir à un accord ». Les négociations ne sont donc pas « stoppées ».
L’annonce de la France avait de quoi surprendre : des négociations au plus haut-niveau entre l’UE et les pays du Mercosur se sont effectivement tenues ces 25 et 26 janvier au Brésil et auraient abouti à des avancées notables. Selon le media Politico, « les négociateurs en chef de l’UE et du Mercosur venaient de parvenir à un accord provisoire sur les dispositions relatives aux marchés publics », ce qui revenait à résoudre l’une des plus grosses difficultés des négociations en cours. Un nouveau round de négociation était programmé pour le 15 février prochain afin de boucler cet accord. La Commission européenne ne confirme pas cette date.
L’annonce de l’Elysée et le démenti de la Commission européenne sont source de confusion et ne peuvent que jeter de l’huile sur le feu, en plein mouvement agricole, à propos d’un accord “viandes contre voitures” totalement anachronique, sacrifiant le monde agricole pour exporter notamment des voitures et produits chimiques.
Rappelons que la Commission européenne négocie sur la base d’un mandat délivré par le Conseil de l’UE, c’est-à-dire par la France et les 26 autres États-membres de l’UE : si Emmanuel Macron ne veut plus que les négociations se poursuivent, s’il veut les stopper, pourquoi n’exige-t-il pas que le mandat dont dispose la Commission européenne, qui date de 1999, soit réexaminé par le Conseil ? Pourquoi ne construit-il pas de minorité de blocage avec d’autres pays pour s’en assurer à Bruxelles ? Pourquoi son action à Bruxelles n’est pas à la hauteur de sa communication à Paris ?
De façon plus générale, « stopper » les négociations UE-Mercosur ne règlerait absolument rien à la situation actuelle de mise en concurrence des systèmes agricoles que dénoncent les agriculteurs : comment protéger les fermes qui sont actuellement touchées par la concurrence internationale en raison des accords déjà existants : OMC, Canada, etc. ? Pourquoi l’exécutif français est-il favorable à la ratification d’accords qui vont aggraver la situation : Nouvelle-Zélande Chili Mexique Kenya ? Que dit l’exécutif français sur les accords en cours de négociation : Inde Australie Indonésie Thailande, etc. ?
Autant de questions auxquelles l’exécutif français ainsi que la Commission européenne doivent répondre au plus vite. Puisqu’Emmanuel Macron doit rencontrer Ursula Von der Leyen ce 1er février à Bruxelles, en marge du Conseil européen, c’est le moment d’obtenir non pas seulement le report des négociations UE-Mercosur, mais un moratoire général sur les nouveaux accords et un réexamen de l’ensemble des accords existants comme le réclame à juste titre la Confédération paysanne pour protéger le monde paysan.
Citations d’organisations membres du collectif Stop Mercosur :
Pour la Confédération paysanne, dans un appel rendu public ce lundi 25 janvier, « la première des mesures serait de réclamer conjointement l’arrêt des accords de libre-échange et la suspension immédiate de toutes les négociations, dont l’accord avec le Mercosur*, car ils mettent en concurrence les agriculteurs et agricultrices à travers le monde, et nous empêchent de nous rémunérer au juste prix ».
Pour Nicolas Roux d’Attac France, « la suspension des négociations aurait été une bonne nouvelle corroborant nos analyses sur la nature nocive et désuète de cet accord de libre-échange. Que les discussions, mêmes techniques, se poursuivent derrière portes closes quand la colère des agriculteurs s’exprime n’est pas acceptable. ».
Pour la CGT, « l’annonce selon laquelle la France n’est pas favorable à la signature de l’accord de libre-échange avec le Mercosur est positive, mais néanmoins ambiguë car la France n’annonce pas qu’elle interrompt les négociations », poursuivant ainsi : « des convergences sont à construire sur des objectifs émancipateurs et de coopération au niveau national et international, et pas sur l’accompagnement du capitalisme et l’assujettissement de l’agriculture aux lois du marché. Ces convergences peuvent être construites avec les forces progressistes et populaires, y compris agricoles et écologistes ».
Pour Maxime Combes, économiste à l’Aitec, « cette annonce de l’Elysée démentie par la Commission européenne jette de l’huile sur le feu et illustre les limites d’un exécutif qui communique plus qu’il n’agit : cet accord UE-Mercosur n’est pas une fatalité et la France peut, et doit, intervenir au niveau du Conseil pour dénoncer le mandat de négociation dont dispose la Commission européenne, qui date de 1999 et qui est totalement anachronique ».